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Un poisson sur la lune - David Vann - Gallmeister, 2019.


Quand vous vous engagez dans un livre de David Vann, il faut savoir que vous allez marcher au bord d'une falaise. Vous devrez prendre garde de ne pas glisser pour ne pas vous sentir entraîné vers le vide, le néant, le repos libérateur. Si je continue à lire ses livres les uns après les autres, ce n'est pas par masochisme, désespoir ou fascination morbide mais c'est par pure admiration pour l'homme, son talent, son mental, sa résurrection grâce à l'écriture. Dans ce roman où tous les faits et les lieux sont authentiques (sauf les dialogues), aucune pêche miraculeuse au programme ou de rêverie sous les étoiles. David Vann s'est mis dans la tête de son père dépressif, au moment le plus critique de sa maladie. Point de lieux communs, de recette de développement personnel à deux balles, de pathos, de métaphores pour édulcorer la vérité. Chez David Vann, l'indicible est dit, sans fard, parce que c'est le seul moyen de s'en débarrasser, de se libérer. Dans la résilience, rien n'est facile, tout se conquiert. Cela donne une prose intense, qui vous colle aux rétines. Enfermé dans la tête de Jim Vann, le lecteur vit le mécanisme de la dépression de l'intérieur. Il vit les divagations de l'esprit qui se regarde penser, la détresse de celui qui se sent étranger à son corps. L'incessante logorrhée de celui qui perd pied avec le réel, se pose des questions faussement existentielles, en pleine phase d'euphorie. Le cerveau qui tourne en permanence sur lui-même, les insomnies, les pensées qui ne s'arrêtent jamais. Des moments de surexcitation suivis de longues périodes de prostration. Les dialogues avec les proches sont impitoyables. Le plus dur est de voir la souffrance et l'impuissance de la famille à ramener Jim vers la lumière.

Je garde en mémoire une conversation bouleversante entre Jim et son père, cet homme taciturne mais qui, là, se dévoile, dans une tentative ultime pour sauver son fils de l'autodestruction. Tout en économie de mots mais en vérité profonde. C'est dur mais c'est sans doute le livre le plus vrai que j'ai lu sur ce terrible sujet. C'est sans doute son livre le plus personnel aussi et donc, forcément, le plus touchant. Quand, en plus, on sait que David Vann écrit "de manière automatique" et que ce sont toujours ses premiers jets qu'il publie, on ne peut qu'être admiratif devant sa richesse intérieure, la beauté née du chaos. David Vann est un virtuose. Chaque livre de lui que je referme m'en convainc un peu plus.

Quatrième de couverture

"Les gens seraient-ils en réalité tous au bord du suicide, toute leur vie, obligés de survivre à chaque journée en jouant aux cartes et en regardant la télé et en mangeant, tant de routines prévues pour éviter ces instants de face à face avec un soi-même qui n’existe pas ?" Tel est l’état d’esprit de James Vann lorsqu’il retrouve sa famille en Californie – ses parents, son frère cadet, son ex-femme et ses enfants. Tous s’inquiètent pour lui et veulent l’empêcher de commettre l’irréparable. Car James voyage avec son Magnum, bien décidé à passer à l’acte. Tour à tour, chacun essaie de le ramener à la raison, révélant en partie ses propres angoisses et faiblesses. Mais c’est James qui devra seul prendre la décision, guidé par des émotions terriblement humaines face au poids du passé, à la cruauté du présent et à l’incertitude de l’avenir. David Vann revisite son histoire familiale et réussit une confession spectaculaire, mêlant subtilement réalité et fiction pour livrer une implacable réflexion sur ce qui nous fait tenir à la vie.

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