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L'archipel du chien - Philippe Claudel - Stock, 2018.


Quel bonheur de retrouver l'écriture de Philippe Claudel. Il possède ce don de m'emmener dans son univers à chaque ligne. Je savoure chacune de ses phrases. Je crois bien que je ne m'en lasserai jamais. Et heureusement qu'il sait y mettre les formes parce qu'il faut bien avouer que l'histoire est très inconfortable pour notre petite personne. Elle questionne notre conscience, jauge notre niveau de lâcheté, d'égoïsme. En effet, Philippe Claudel livre un conte moderne ou devrais-je plutôt dire un cauchemar moderne ? Le décor ? Une île quelconque en Méditerranée. Les personnages ? Des archétypes représentant les différents pouvoirs que l'on peut trouver dans un microcosme insulaire : l'ancienne institutrice acariâtre, le curé, le médecin, le maire, le commissaire et le nouvel instituteur venu du continent. L'événement déclencheur ? la découverte sur la plage de trois cadavres de migrants. Qu'en faire ? Comment réagir ? Faut-il en parler ? Se taire ? Autant de questions qui vont titiller la conscience des uns et des autres, entraîner l'île dans un cataclysme moral écoeurant. Comme moi, si vous vous attendez à trouver des réponses dans ce livre, vous resterez un peu sur votre faim bien que le suspense soit maintenu jusqu'au bout. Je vous l'ai dit, c'est inconfortable mais nécessaire. C'est en vous qu'il va falloir regarder. A partir de quand allez-vous avoir honte ? Un livre à posséder pour sa magnifique couverture, Un livre à apprécier pour sa forme, Un livre à relire pour ne pas oublier.

Quatrième de couverture

« Le dimanche qui suivit, différents signes annoncèrent que quelque chose allait se produire. Ce fut déjà et cela dès l'aube une chaleur oppressante, sans brise aucune. L'air semblait s'être solidifié autour de l'île, dans une transparence compacte et gélatineuse qui déformait ça et là l'horizon quand il ne l'effaçait pas : l'île flottait au milieu de nulle part. Le Brau luisait de reflets de meringue. Les laves noires à nu en haut des vignes et des vergers frémissaient comme si soudain elles redevenaient liquides. Les maisons très vite se trouvèrent gorgées d'une haleine éreintante qui épuisa les corps comme les esprits. On ne pouvait y jouir d'aucune fraîcheur. Puis il y eut une odeur, presque imperceptible au début, à propos de laquelle on aurait pu se dire qu'on l'avait rêvée, ou qu'elle émanait des êtres, de leur peau, de leur bouche, de leurs vêtements ou de leurs intérieurs. Mais d'heure en heure l'odeur s'affirma. Elle s'installa d'une façon discrète, pour tout dire clandestine. »

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